C’est sous l’impulsion d’Aurélien Taché, député, qu'un groupe de travail s'est constitué. J'ai eu la possibilité, de positionner Maître Biron, avocate et Jean Baptiste Boisseau (co-fondateur de signal arnaques) dans ce groupe au sein duquel nous avons pu apporter nos expertises. Un projet de loi est né : je vous dis tout (ou presque).


En marge des auditions auxquelles des acteurs du milieu de l'influence, des collectifs de victimes et des lanceurs d'alertes ont été entendus, un groupe de travail sur un projet de loi pour réguler ce marché avait été lancé dans la plus grande discrétion. Et oui, on ne vous dit pas tout mais ça ne veut pas dire que rien ne se passe.
Cette proposition de loi vise à poser un cadre légal à l’activité des influenceurs sur les réseaux sociaux, et à définir un nouveau régime de responsabilité applicable à ces derniers, afin notamment de lutter contre la propagation des pratiques commerciales trompeuses et illicites sur internet. Le premier vide à combler pour pouvoir agir contre les pratiques frauduleuses liées au marché de l’influence est de définir dans la loi ce qu’est un influenceur. C’est l’objet de l’article 3 de la proposition de loi. Elle prévoit ainsi cette définition, ainsi que son articulation avec d’autres activités prévues par la loi, telles que l’activité de mannequin ou celles d’artiste-interprète ou d’auteur. L’article prévoit que le seuil d’audience d’un influenceur soit défini par décret.
« Art. L.7125-1. – Est considérée comme exerçant une activité d’influenceur, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne physique ou morale qui détient, exploite ou anime, à titre professionnel ou non, une page ou un compte personnel accessible sur une plateforme en ligne et dont l’activité dépasse un seuil d’audience déterminé par décret, en vue du partage de contenus exprimant un point de vue ou donnant des conseils susceptibles d’influencer les habitudes de consommation ».
L’article 3 vise en outre à instaurer un cadre légal à l’activité d’agent d’influenceurs et dans un souci de sécurisation juridique, pose le principe d’un contrat de mandat écrit entre l’influenceur et l’agent d’influenceurs, comprenant des mentions obligatoires. Un décret définira les modalités du mandat et les obligations respectives à la charge des parties ainsi que les modalités de rémunération. L’article 3 prévoit enfin des sanctions pénales applicables en cas de manquement à ce nouveau formalisme.
« Art. L.7125-3. – L'activité d'agent d’influenceurs, qu'elle soit exercée sous l'appellation de manager ou sous toute autre dénomination, par une personne physique ou morale, consiste à recevoir mandat à titre onéreux d'un ou de plusieurs influenceurs aux fins de placement et de représentation de leurs intérêts professionnels ».
Encore aujourd’hui, force est de constater en pratique que de nombreux influenceurs ne mentionnent pas le caractère publicitaire de leurs publications. L’article 4, en application des principes de transparence et de loyauté attachés à la publicité, instaure une nouvelle obligation pour les influenceurs, de mentionner explicitement la finalité publicitaire de tout contenu diffusé en ligne qui revêtirait un caractère laudatif à l’égard d’une entité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, ou qui serait destiné à promouvoir la fourniture de biens ou de services.
« Art. L.122-26. – Est considérée comme un contenu à caractère publicitaire toute communication au public par voie électronique, revêtant un caractère laudatif à l’égard d’une entité ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, et/ou destinée à promouvoir la fourniture de biens ou de services y compris les biens immeubles, les droits et les obligations ».
« Les contenus mentionnant explicitement un code promotionnel, un rabais, une remise, une prime, un cadeau, ou toute autre offre promotionnelle, sont présumés être des contenus à caractère publicitaire ».
« Art. L.122-27. – Tout contenu à caractère publicitaire, émis ou diffusé par un influenceur au sens de l’article L.7125-1 du code du travail, à partir du territoire français et/ou reçu sur ce territoire, doit mentionner, de manière claire et non équivoque, sa finalité publicitaire ».
L’article 4 prévoit par ailleurs des dispositions spécifiques aux partenariats commerciaux que les influenceurs ont l’habitude de conclure avec des annonceurs. Dans un souci de sécurité juridique et de protection du consommateur, un contrat écrit est rendu obligatoire entre l’influenceur et l’utilisateur de ses services. Ce contrat doit en outre contenir des mentions obligatoires, à peine de sanctions décrites à l’article 5 de la présente proposition de loi.
« Art. L.122-28. – Lorsque l’influenceur, personnellement ou par l’intermédiaire d’un agent d’influenceurs, met à disposition ses services à un utilisateur, en vue d’émettre ou de diffuser des contenus à caractère publicitaire sur sa page ou son compte personnel accessible sur une plateforme en ligne, à partir du territoire français et/ou reçus sur ce territoire, un contrat est établi par écrit entre l’influenceur et l’utilisateur ».
« S’il n’est pas établi sur le territoire français, l’utilisateur désigne par écrit un représentant, personne physique ou morale établie en France, qui le représente en ce qui concerne les obligations qui lui incombent en vertu du contrat précité ».
Enfin, il est aujourd’hui impossible de signaler une pratique frauduleuse ou contraire aux dispositions légales sur la publicité sur la plupart des plateformes ou réseaux sociaux. C’est pourquoi l’article 6 pose l’obligation, pour les opérateurs de plateformes en ligne, de mettre en place un dispositif de signalement des contenus relevant des pratiques commerciales interdites, agressives et trompeuses.
Pas d'inquiétude, des sanctions sont prévues : elles sont dans l'article 5 :)
La suite …
Le projet de loi va être traité mi-novembre par les service de l'assemblée afin d'être présenté à la présidente de celle-ci.
Si la présidente décide qu'il y a urgence, le projet de loi est présenté à l'assemblée de suite.
Si la présidente décide qu'il n'y a pas urgence, il sera présenté en Avril.
Dans l'attente, des auditions sont prévues avec les différents acteurs du marché.
Une fois la loi promulguée ...
Dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport dressant un état des lieux exhaustif du développement des nouvelles pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence en ligne et sur les réseaux sociaux, des dérives constatées et des menaces associées.
Le rapport mentionné devra établir notamment :
1° Une présentation, en tendance, du développement desdites activités au cours des cinq dernières années et de leur impact sur les habitudes de consommation de la population, en particulier des jeunes ;
2° Une analyse de la structure du marché de l’influence, de ses différentes parties prenantes et publics cible ;
3° Une synthèse de l'ensemble des possibilités d’actions en justice, individuelles et collectives, qui s’offrent aux victimes de pratiques commerciales déloyales liées au marché de l’influence, des possibilités de poursuites, de sanctions et de réparations des préjudices subis.
Si le sujet vous intéresse, un space twitter est organisé le dimanche 13 Novembre à 21h00. Aurélien Taché et Maître Biron seront présents pour vous présenter le projet de loi.
Nous sommes au début de ce projet dans lequel je m'inscris pleinement : je vous tiendrez régulièrement informés de l'avancée de celui-ci via des newsletters accessibles à tous sans obligation d'abonnement (mais si vous vous abonnez, c'est bien aussi :)).